Infraction fiscale en Andorre : origine, fonctionnement et application
Andorre crée l’infraction fiscale avec la Loi 15/2017, fixant des seuils de 75.000 € et 150.000 €, une régularisation volontaire et un lien avec le blanchiment d’argent.

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🏁 Un tournant historique dans la lutte contre la fraude fiscale
La création de l’infraction fiscale en Andorre est relativement récente. Jusqu’en 2017, la fraude fiscale grave n’avait pas de qualification pénale spécifique et était sanctionnée principalement par la voie administrative.
Cela change avec l’adoption de la Loi 15/2017, modifiant le Code pénal, publiée au BOPA n° 52 du 2 août 2017 et entrée en vigueur le 3 août 2017.
Cette réforme introduit trois nouveaux articles —248, 248 bis et 248 ter— et modifie l’article 409 pour inclure l’infraction fiscale aggravée comme infraction préalable au blanchiment d’argent. L’objectif est double : renforcer la crédibilité internationale du pays et aligner la législation sur les standards recommandés par Moneyval, le GAFI et l’Accord monétaire avec l’Union européenne.
Dans la pratique, l’infraction fiscale devient une pièce essentielle du système pénal économique andorran et touche directement à des domaines tels que la résidence fiscale, la planification fiscale ou la régularisation de patrimoines, aspects que nous analysons également dans Résidence fiscale en Andorre : conditions, avantages et obligations.
De même, pour mieux comprendre le contexte andorran, nous recommandons la lecture de Évolution du cadre fiscal andorran, qui retrace l’évolution du pays.
📘 Pourquoi l’Andorre introduit-elle l’infraction fiscale ?
L’Exposé des motifs de la Loi 15/2017 explique les raisons qui motivent cette réforme :
- Se conformer aux engagements pris avec l’UE en matière d’harmonisation pénale et financière.
- Répondre aux exigences de Moneyval dans le cadre de la lutte contre le blanchiment.
- Suivre les recommandations du GAFI, qui considère essentiel de reconnaître la fraude fiscale grave comme infraction préalable au blanchiment.
- S’adapter à l’évolution internationale, où la fraude fiscale est poursuivie de manière coordonnée.
L’Andorre fait ainsi un pas nécessaire pour se situer au niveau des juridictions homologuées, renforçant la confiance des investisseurs, entrepreneurs et familles attachés à la stabilité réglementaire.
1️⃣⚖️ L’infraction fiscale de base (article 248 CP)
La Loi 15/2017 redéfinit entièrement l’article 248 du Code pénal. L’idée centrale est claire : seules les fraudes fiscales significatives et qualifiées sont pénalement punissables.
🧩 Éléments constitutifs de l’infraction fiscale de base
L’infraction existe lorsque les conditions suivantes se cumulent :
- Action ou omission visant à frauder ou à obtenir des avantages fiscaux indus.
- Montant fraudé supérieur à 75.000 €.
- Ce montant représente au moins 5 % de la cotisation exigible.
- Existence d’une intention frauduleuse (dol).
🧠 Détermination quantitative
Le seuil de 75.000 € :
- s’applique pour chaque impôt (IRPF, IS, IGI, etc.),
- et pour chaque période d’imposition (ex. exercice 2022, exercice 2023).
Pour les impôts sans période d’imposition, le seuil s’applique à chaque obligation ou déclaration.
Cela signifie qu’il est impossible de cumuler des montants provenant de différents impôts ou de différentes années.
Exemple : un contribuable a omis les montants suivants :
- 40.000 € d’IGI (2022)
- 30.000 € d’IS (2023)
- 10.000 € d’IRPF (2022)
Cela ne constitue pas une infraction fiscale, car les montants ne concernent ni le même impôt ni la même période, même si la somme excède 75.000 €.
➤ Pour une vision plus complète, nous recommandons la lecture de l’article Fiscalité en Andorre.
🔒 Peines prévues
En sortant du champ administratif, les sanctions sont les suivantes :
- Peine de prison de 3 mois à 3 ans.
- Amende d’un montant équivalent jusqu’à quatre fois la somme fraudée.
❗ Régularisation volontaire (article 248.2)
La régularisation éteint la responsabilité pénale si elle intervient :
- avant toute mise en demeure administrative, ou
- avant d’avoir connaissance de l’ouverture d’une procédure pénale.
Elle couvre également les faux documents utilisés pour dissimuler la fraude.
2️⃣⚖️ L’infraction fiscale aggravée : lorsque la fraude est particulièrement grave (article 248 bis)
L’article 248 bis crée un type aggravé applicable aux situations de fraude fiscale plus sérieuses.
🧩 Le caractère aggravé est retenu lorsque :
- Le montant fraudé dépasse 150.000 € et représente au moins 5 % de la cotisation,
ou - La fraude est commise dans le cadre d’une organisation criminelle.
🔒 Peines prévues
- Peine de prison de 1 à 5 ans.
- Amende comprise entre le montant fraudé et jusqu’à quatre fois celui-ci.
Ce type aggravé est particulièrement pertinent dans les situations transfrontalières ou lorsque deux États revendiquent la résidence fiscale d’une même personne, un cas que nous étudions en détail dans Conflits de résidence fiscale : lorsque deux pays vous considèrent résident en même temps.
⚠️ Réduction de peine : article 248 ter
Pour encourager la réparation du dommage fiscal, la Loi introduit un mécanisme de réduction de peine si :
- le contribuable paie la cotisation fraudée dans les deux mois suivant la notification administrative ou pénale.
Dans ce cas, la réduction prévue à l’article 54.1 du Code pénal s’applique.
💶 L’infraction fiscale aggravée comme infraction préalable au blanchiment (article 409 CP)
Une innovation majeure de la Loi 15/2017 est la modification de l’article 409, qui intègre l’infraction fiscale aggravée comme infraction sous-jacente au blanchiment d’argent.
Dès lors :
- une fraude fiscale aggravée peut entraîner une responsabilité pénale pour blanchiment,
- les obligations de contrôle et de détection sont renforcées,
- et la norme s’aligne sur les standards européens et internationaux.
Il s’agit d’un point central dans l’évolution du cadre andorran, que nous approfondissons dans Évolution internationale de l’Andorre : de la tradition au monde global.
📅 Quand la réforme s’applique-t-elle ? Le régime transitoire
La Disposition finale deuxième établissait l’entrée en vigueur de la norme au 3 août 2017.
La Disposition transitoire précise :
- Application immédiate pour les impôts sans période d’imposition.
- Application au 1er janvier 2018 pour les impôts à période annuelle (IRPF, IS, IGI).
Cela évite toute application rétroactive et garantit la sécurité juridique. La norme est aujourd’hui pleinement en vigueur.
Conclusion : une pièce essentielle du système pénal et fiscal andorran
L’introduction de l’infraction fiscale en 2017 transforme profondément la manière dont l’Andorre combat la fraude fiscale grave. Le système pénal devient un complément à l’inspection fiscale, avec des mécanismes équilibrés : seuils clairs, régularisation volontaire et lien avec le blanchiment.
Les prochaines années montreront comment cette réglementation se consolide dans la pratique administrative et judiciaire, dans un contexte de coopération fiscale internationale croissante.
Si vous souhaitez analyser comment cette réglementation peut affecter votre situation, votre parcours fiscal ou votre activité professionnelle, vous pouvez demander une réunion personnalisée ci-dessous ou remplir le formulaire de contact.
Dernière révision : Novembre 2025.



